C'est la foire du Livre à Paris et aussi le semaine des lettres Scandinaves, et la norvégienne Herbjorg Wassmo est à l'honneur, ce qui est une occasion de la découvrir . Cette étonnante femme vit toute seule dans une île isolée où elle a été en partie élevée et dont elle conte la saga qui se passe après la guerre, dans une société de pêcheurs pauvres , déshérités et terriblement frustres. Ce premier volume d'une trilogie qui a eu un succès énorme en Norvège , se révèle quasiment naturaliste par ses descriptions de la vie quotidienne et aussi lyrique, curieusement élégiaque même dans les évocations de la nature, des saisons , des couleurs et odeurs sauvages de ce grand Nord qui a l'heur de nous fasciner tellement. Elle est un grand écrivain.
Wassmo a choisi une petite héroïne Tora, gamine méprisée de tous car elle est née d'une union entre une femme du village et d'un soldat allemand de l'occupation , qui a été particulièrement sauvage en Norvège et qui est donc restée imprimée dans toutes les mémoires.. la » fille du Schleu » est une sauvage qui ne comprend rien à son passé, se réduit à protéger sa mère, employée d'usine brave femme , inapte , humiliée et sans ressources .La victime absolue. Une histoire à la Zola , où les femmes courageuses bossent comme des démentes pour élever les gamins qui fourmillent et les hommes, bêtes de sexe qui violentent et boivent comme des trous au troquet quand ils sont sans travail, ce qui est souvent…. Bref, un livre illisible en circonstances normales mais que Wassmo, par sa prose étincelante, transforme en ode à la survie , en épopée rurale .Le petite Tora va subir tout, le viol répété par le beau père abruti , même avant d'être pubère, la pauvreté récurrente , ce froid et ce vent coupant pendant des mois d'hiver et surtout l'absence d'un père sur lequel est fabule et dont elle imagine le retour édénique.. tous les pauvres du monde sont les mêmes et répètent le même scénario inlassablement ; il y a une nostalgie poignante d'un bonheur rêvé , mais aussi une tante providentielle càd le sauveur archétypique de toutes ces histoires, mais conté à travers les songes et légendes que la gamine s'invente pour nier la réalité .
C'est cela le talent de Wassmo,cette vérité, car elle connait ce monde et y a vêcu , et donne au caractère éminemment tragique de toute vie humaine ce cachet vivace ; en effet si peu de vies humaines sont vivables dans un dénuement pareil. C'est difficile d'imaginer de nos jours devant une Norvège moderne si riche et riomrphante aujourd'hui, la pauvreté immonde et la désespérance sociale d' il y a juste 50 ans dans ses îles : lesmiracles économiques, même pétroliers, ont du bon et les lecteurs contemporains de Wassmo s'en souviennent.