Book reviews Critiques littéraires Books recently published in english and french.

jeudi 31 mars 2011

Anne B.Ragde, La terre des Mensonges, trad du Norvégien,Balland , 2011

Encore un de ces romans scandinaves forts, puissants et plein de sève où les personnages sont taillés dans le bois dur des forêts et des rochers. On rencontre une de ces familles de paysans, éleveurs pauvres, non subsidiés des années 50 , qui n'ont jamais gouté à la vie moderne d'avant le miracle économique du pétrole . C'est terrifiant et attachant en même temps car à la mort de la mère, on y découvre une tribu décimée pareille à ces libyens sortis des cavernes que l'on voit s'agiter sur nos écrans dans une inconscience totale : des non- européens certainement ! Hé non ….

Qui sont ces paysans norvégiens d'un autre âge , enfoncés au bout des fjords dans une terre ingrate et loin de tout ? Un père idiot, une mère de 80 ans tyrannique et un fils porcher, éleveur de porcs dans une ferme délabrée, sale et puante  qui n'ont qu'une peur : la vengeance de Dieu. Car ils sont luthériens. Donc rien des fiers Vikings si nobles et farouches , mais une atroce fin de vie et fin d'époque. Ces gens ont été riches et prospères du temps du grand père, il y a 20 ans. Le fils Tor est le personnages le plus remarquable :dur et fidèle à la tâche, un éleveur de cochons ,horribles bêtes qu'il adore et élève comme des enfants , il est devenu dur et violent comme les truies.Mais il découvre qu'il a une fille adulte qu'il ne connait pas et qui va venir à la ferme à l'occasion de la mort de la mère ou grand mère .Torunn apparait : elle est la jeune génération urbaine de Norvège , carte de crédit et voiture de location, qui va découvrir ses ancêtres, un oncle homo décorateur à Copenhague, un autre oncle révérend protestant à la campagne et son père porcher , qui comme le porcher de l'Odyssée sera le prophète ancien d'un âge nouveau qui demande à naître.

Tout ce monde hétéroclite va fêter Noèl ensemble.C'est drôle et bouleversant en même temps ; cette vieille Europe qui n'en finit pas de s'habituer à cette mondialisation inconnue aussi bien qu'effrayante et la nouvelle richesse mal répartie .Imaginons un homo moderne et désinhibé , plein de fric, qui se maquille et se déguise en partageant une chambre avec son amant , propulsé par la mort d'une vieille grand-mère dans ce monde rustique , religieux et intolérant des vieux Schnocks nordiques : il y a de quoi perdre la boule et se réfugier dans l'étable ou hurler à l'anathème…

Un très beau livre plein de vérité crue et d'espérance dans le renouveau qui attend les peuples qui sont à moitié évolués et arrièrés dans la partie européenne que nous pensons la plus branchée de tout (= la Scandinavie ) mais qui ressort ici avec ses vieux qui ne comprennent rien à l'économie moderne et ses jeunes qui sont impatients et comprennent tout , mais sont hors du coup. La difficulté de gagner sa vie et d'avoir un boulot obsède les jeunes forcément , mais la possibilité de retrouver une vraie famille et des ancêtres ( ou une origine )les fascinent tout autant. La Norvège est un pays complexe tout comme son grand voisin,la Suéde, et sa littérature vaut la peine d'être lue aussi.

dimanche 20 mars 2011

Jens Christian Grondahl, Bruits du cœur, Gallimard folio, 1999

Un autre écrivain danois dans la semaine Scandivave qui s'impose, est Grondahl ,bien connu déjà , dont le titre serait plutôt ici «  douleurs du cœur « car il y parle du phénomène de l'amitié d'enfance ou de jeunesse qui ne survit pas au temps ou à la maturité .Ces amitiés si passionnées dans la jeunesse sont tellement basées sur le pouvoir de l'illusion et du prestige mythique conféré par l'appartion de certains être vis-à-vis de nos origines sociales que nous ne les voyons pas. Rappelons- nous à ce propos du pouvoir mythologique du jeune Saint -loup , personnage épique, sur le jeune Marcel dans «  La Recherche «  qui perdure jusqu' à la fin de la guerre avec la désillusion finale de « Sodome et Gomorrhe » et du « Temps retrouvé « qui donne le coup de grâce.Quel terrible coup de massue, quelle affreuse déception et quelle trahison !

Le héros Adrian et le narrateur sont un duo dès l'adolescence, le pauvre dont le parents vivent dans un quartier interlope de bordels et de bistrots louches et le gosse de riche, beau sans complexes, insolent et drôle dont les parents sont invisibles,font équipe. Rien ne les sépare mais déjà à 25 ans les affaires sexuelles et les jobs prometteurs, les séparent irrévocablement . Adrian ne veut rien voir et le narrateur non plus, sauf un événement indicible que ce dernier a surpris . L'inceste entre Adrien et sa sœur ,dont le narrateur est l' amoureux transi et fidéle . Cette transgression inimaginable et cette double trahison le transperce et il le refoulera et n'en parlera jamais avec son ami. Le pire dans cette histoire est que le même crime incestueux se répétera des années plus tard et sera révélé après la mort subite d'Adrien ; il a violé sa belle fille et rendu sa veuve intraitable et muette …Qui pouvait l'imaginer ?

Comment peut- on survivre psychologiquement à la perte d'une une amitié perdue , qui se révèle être un aveuglement impardonnable et volontaire, une trahison vis-à-vis de soi- même, et une honte personnelle ? Grondahl décrit ce conflit avec sobriété et mesure et la subtilité voulue, car on se remet mal de s'être trompé à ce point sur un être qui avait cessé d'être proche mais malgré tout ,représentait le royaume perdu de l'enfance innocente, L'innocence perdu est bien la plus grande douleur qui soit dans ce monde.

Herbjorg Wassmo, La Veranda Aveugle, Babel,1987

C'est la foire du Livre à Paris et aussi le semaine des lettres Scandinaves, et la norvégienne Herbjorg Wassmo est à l'honneur, ce qui est une occasion de la découvrir . Cette étonnante femme vit toute seule dans une île isolée où elle a été en partie élevée et dont elle conte la saga qui se passe après la guerre, dans une société de pêcheurs pauvres , déshérités et terriblement frustres. Ce premier volume d'une trilogie qui a eu un succès énorme en Norvège , se révèle quasiment naturaliste par ses descriptions de la vie quotidienne et aussi lyrique, curieusement élégiaque même dans les évocations de la nature, des saisons , des couleurs et odeurs sauvages de ce grand Nord qui a l'heur de nous fasciner tellement. Elle est un grand écrivain.

Wassmo a choisi une petite héroïne Tora, gamine méprisée de tous car elle est née d'une union entre une femme du village et d'un soldat allemand de l'occupation , qui a été particulièrement sauvage en Norvège  et qui est donc restée imprimée dans toutes les mémoires..  la » fille du Schleu » est une sauvage qui ne comprend rien à son passé, se réduit à protéger sa mère, employée d'usine brave femme , inapte , humiliée et sans ressources .La victime absolue. Une histoire à la Zola , où les femmes courageuses bossent comme des démentes pour élever les gamins qui fourmillent et les hommes, bêtes de sexe qui violentent et boivent comme des trous au troquet quand ils sont sans travail, ce qui est souvent…. Bref, un livre illisible en circonstances normales mais que Wassmo, par sa prose étincelante, transforme en ode à la survie , en épopée rurale .Le petite Tora va subir tout, le viol répété par le beau père abruti , même avant d'être pubère, la pauvreté récurrente , ce froid et ce vent coupant pendant des mois d'hiver et surtout l'absence d'un père sur lequel est fabule et dont elle imagine le retour édénique.. tous les pauvres du monde sont les mêmes et répètent le même scénario inlassablement ; il y a une nostalgie poignante d'un bonheur rêvé , mais aussi une tante providentielle càd le sauveur archétypique de toutes ces histoires, mais conté à travers les songes et légendes que la gamine s'invente pour nier la réalité .

C'est cela le talent de Wassmo,cette vérité, car elle connait ce monde et y a vêcu , et donne au caractère éminemment tragique de toute vie humaine ce cachet vivace ; en effet si peu de vies humaines sont vivables dans un dénuement pareil. C'est difficile d'imaginer de nos jours devant une Norvège moderne si riche et riomrphante aujourd'hui, la pauvreté immonde et la désespérance sociale d' il y a juste 50 ans dans ses îles : lesmiracles économiques, même pétroliers, ont du bon et les lecteurs contemporains de Wassmo s'en souviennent.

mardi 15 mars 2011

Ian Mc Ewan, Solar, Vintage 2011

This new book is hailed as « savagely funny » which is understandable since it is indeed a savage satire on ecology and the undying subject of renewable energy ( or an eco-satire ), but it is not a funny book and its anti- hero is hardly a great « comic creation » .. Let us not forget how black and sordid Mc Ewan's world usually is : all his books bathe in tremendous uneasiness, malevolence, avoiding a criminal bend by a hair split and always ending in destroyed lives. He is a powerful writer, given to bitter satire of all classes of english society , delighting in describing the ambivalence and the destruction in his characters' lives .

Here Michael Beard, a declining scholar ex- Nobel prize, is a grotesque aging man turned into a slob, so un -able to deal with reality that he has chosen to satisfy only his animal instincts : glutonny and fornication . Well, personal decline is not really funny, rather sad and hopeless , as we watch this poor guy going down slowly and inexorably to his catastrophice end..he cannot help himself . The subject is really human weakness and the humility of giving in to one's weakness.

Michael Beard is nevertheless a likeable guy and the reader quite hopes to see him somewhat redeemed, but no , the Mc Ewan world is a cruel and mean one , even sadistic, and all the hero's enemies will manage to destroy him thoroughly at the end. No one is more desillusioned than this writer, and more determined to show how relentlesly social fury will attack a flawed life. Remember only « Atonement » and « Amsterdam », his greatest novels, which paint destroyed happiness ,lost innocence, or love more dangerous than hatred…this book here is not such a masterpiece, and is strangely painful to read, but it is a provocative and well directed criticism of the unbelievably boring theme of tireless ecologists on all modern media : how to trap cheaply solar energy .. Mercy !

More to the point, the last decade of almost any human being 's life is a difficult period to depict and also a marvelous novelistic opportunity : what has the person really accomplished if anything, what are his chances of a peaceful existence from now on ? So much suffering is involved and so much luck also or just good circumstances that it is almost always a semi tragic issue. Which is what Mc Ewan excells at doing : man is a fallen creature and the world denies him a place of solace.

Cees Noteboom, La nuit viennent les renards, Nouvelles , Actes Sud, 2011

Cet écrivain mystérieux, méditatif  , un ancien moine trappiste, se lit comme un poète ; il donne ici une série de nouvelles sur des souvenirs d'une jeunesse perdue avec un groupe d'amis , de longs séjours remémorés sur une péninsule désolée d'Espagne et même de conversations avec des morts anciens… Noteboom ressemble à Heidegger, jeté dans le monde, il le laisse venir à lui par plages, par éclairs et par lambeaux, dans un regard métaphysique qui fait appel à la conscience .C'esty rare.
Il est tout à fait fascinant , difficile d'accès peut être , et on est impressionné de voir le lectorat fidèle qu'il s'est constitué dans une langue mineure et difficile ( le néerlandais )ainsi que les prix littéraires qu'il a collectionnés dans sa vie.On ouvre ce livre avec bonheur et si on accroche à son monde onirique , réel aussi par son ton ironique, ses descriptions acerbes des mariages et unions humaines variées dans des situations mal définies , on le retrouve chaque soir comme une délicieuse conversation interrompue.

Car de quoi parle-t-il finalement ? C'est un pèlerinage dans sa vie écoulée déjà, l'importance de ses amis qu'il a souvent gardés toute sa vie, la vie en couple avec ses femmes et aussi les morts qui viennent le visiter en rêve ou dans son sommeil. Les morts sont tres présents, ceux qui sont partis reviennent parler aux vivants et essaient de garder le contact , de dire des choses ultimes,passer des messages importants . Noteboom montre plus que n'importe quel écrivain , à quel point les morts vivent en nous, font partie de notre être et ne peuvent jamais s'effacer de notre âme. Il n'est pas comme Philippe Roth le thuriféraire de son propre père par ex ( càd un simple biographe ) mais le dépositaire des âmes disparues comme le sont Milton ou Virgile ou même Ruskin .Il apporte un message unique , une ouverture vers ce que nous recevons et ne savons pas lire , les paroles et les gestes de ceux qui ont marqué notre vie et ont aussi laissé derrière eux des signes qui déchirent le silence d'une maison maintenant vide .

Nul sentimentalisme ou Romantisme ne viennent embrumer ces écrits, Dieu merci, mais au contraire un ton bref, sec et direct ; le personnage narratif sait faire la part des choses.

mercredi 2 mars 2011

Colm Toibin, The Blackwater lightship, Picador 1999,

Everything that Toibin writes is marvelous and disturbing because he descrbes accurately human dramas in everyday life that obsess all of us constantly . Why is it that we never forgive our parents certain actions that they committed perhaps innocently but which were devatating to us during our childhood and remains awful till our old age.. ? or why can we never get along and never will, with our mother for example ? These awful psychic wowwunds are at the core of the lives of the characters in this novel which concentrates on the final illness of a young man Declan, who is dying from Aids  .

He has not told anyone of his family and it is his sister, Helen, who is sent to tell both the grand' mother and the mother of this horrendous fate. Now this is Ireland and a very catholic country where homosexuality is severely judged and family shame is a fact, so this revelation is doubly difficult in this matriarchy, whose members are part of a very structured, church going community with curious neighbors, unflinching priests and family ties all over the country.Toibin shows this atmosphere perfectly, with humor and a certain desperation ; the rivalry between powerful families , the desire to achieve recognition and prestige through conformism and least but not last , the overwhelming » idees fixes »  against both England and Religion ( if it is protestantism). Family dramas are prisoners of many embedded social walls , before dealing with their own conflicts , which drive most to drink or to escape and flight.Here we see repression and desolation.

The sister Helen is the most interesting character ; she suffers from a fundamental un- ease or dispossession of her innate liberty because she hates her own mother lilly. The basic personality of lilly is unbearable to her and it is not an erasable feeling Helen cannot deal with it when for ex.they all must be in the same house in order to take care of the dying Declan .That is a very profound conflict in the human soul, to be confronted to the detestation of one of our parents, as we often see in the works of Dostoievsky or Chekhov  and also Balzac : to live with it is unbearable . The contempt for a mother or a father which can hardly be hidden and repressed is a psychic wound that sears the family in two , hurts the children unconscciously and naturally fills the hero with unsurmontable guilt. What is there to do ?

Few writers deal with this enormous problem which is prevalent in my opinion probably in all societies and causes immense suffering.(Imagine being the son or daugher of Kaddhafi for ex ? terrible example, sorry !) )he conflict is left open here but there is a lessening of the crisis and a small repose is achieved : we are spared the horrendous waiting fo the condemned patient to die ,an ordeal that most families know well ; so the tragic death of Declan will be in the near future … But Helen is still not rid of her ordeal and won't be ever ; the mother lilly , although morally unattractive yet courageous and decent ,is suffering terribly also. She feels rejected cruelly .. The poor woman . King Lear himself was dreadfully rejected, perhaps rightly,and he dies from it, as we all remember.

Qui êtes-vous ?

Ma photo
Brussels, Belgium
Née à Bruxelles, mère résistante et sculpteur, père homme d’affaires, études à l ’Université libre de Bruxelles ( Philosophie et Lettres ; arts primitifs), puis à Harvard ( anthropologie), Rutgers New Brunswick, Duke University .N.C. USA ( littérature comparée, Masters et Doctorat.) Thèse publiée (Ph.D) sur Valéry et Mallarmé. Enseignement universitaire aux USA, en France (Aix en Provence) et au Liban (comme coopérant) ,littérature et philosophie , en français ou anglais. Mariée en premières noces à un avocat américain G.Robert Wills et puis à un peintre et publiciste Français, Jean- Pierre Rhein (décédé). La plupart des publications sous le nom de Wills.Vit à Bruxelles.