Cet écrivain mystérieux, méditatif , un ancien moine trappiste, se lit comme un poète ; il donne ici une série de nouvelles sur des souvenirs d'une jeunesse perdue avec un groupe d'amis , de longs séjours remémorés sur une péninsule désolée d'Espagne et même de conversations avec des morts anciens… Noteboom ressemble à Heidegger, jeté dans le monde, il le laisse venir à lui par plages, par éclairs et par lambeaux, dans un regard métaphysique qui fait appel à la conscience .C'esty rare.
Il est tout à fait fascinant , difficile d'accès peut être , et on est impressionné de voir le lectorat fidèle qu'il s'est constitué dans une langue mineure et difficile ( le néerlandais )ainsi que les prix littéraires qu'il a collectionnés dans sa vie.On ouvre ce livre avec bonheur et si on accroche à son monde onirique , réel aussi par son ton ironique, ses descriptions acerbes des mariages et unions humaines variées dans des situations mal définies , on le retrouve chaque soir comme une délicieuse conversation interrompue.
Car de quoi parle-t-il finalement ? C'est un pèlerinage dans sa vie écoulée déjà, l'importance de ses amis qu'il a souvent gardés toute sa vie, la vie en couple avec ses femmes et aussi les morts qui viennent le visiter en rêve ou dans son sommeil. Les morts sont tres présents, ceux qui sont partis reviennent parler aux vivants et essaient de garder le contact , de dire des choses ultimes,passer des messages importants . Noteboom montre plus que n'importe quel écrivain , à quel point les morts vivent en nous, font partie de notre être et ne peuvent jamais s'effacer de notre âme. Il n'est pas comme Philippe Roth le thuriféraire de son propre père par ex ( càd un simple biographe ) mais le dépositaire des âmes disparues comme le sont Milton ou Virgile ou même Ruskin .Il apporte un message unique , une ouverture vers ce que nous recevons et ne savons pas lire , les paroles et les gestes de ceux qui ont marqué notre vie et ont aussi laissé derrière eux des signes qui déchirent le silence d'une maison maintenant vide .
Nul sentimentalisme ou Romantisme ne viennent embrumer ces écrits, Dieu merci, mais au contraire un ton bref, sec et direct ; le personnage narratif sait faire la part des choses.