Book reviews Critiques littéraires Books recently published in english and french.

vendredi 24 septembre 2010

Erri De Luca, Le Jour avant le Bonheur,Gallimard , 2009

Un écrivain qui est aussi ouvrier et poète, et a mené pendant 12 ans une activité révolutionnaire intense en Italie, ne se trouve qu'à Naples . Il a obtenu le prix Femina étranger en 2002 pour «  Montedidio » qui est le quartier miséreux où il a grandi et il écrit surtout des romans autobiographiques basés sur cette enfance solitaire parmi les pauvres . Son lyrisme et sa sobriété sont telles que cette histoire d'un orphelin , vivant dans une petite cave d'un immeuble pauvre , sous la protection d'un concierge protecteur devient un hymne à l'extraordinaire ville de Naples, splendide et violente ,d'une vitalité inouïe. Ville qui survit à l'occupation allemande et accueille les Américains libérateurs dans un même élan de joie et de roublardise retorse de voleurs incontournables.. on connait tous la phrase typique des mères d'enfants délinquants de Naples : « si non lavora, va a rubare.. !  »On connait moins bien la Camorra des rues de pauvres qui va causer la fuite de notre héros en Argentine, pour échapper à la vengeance maffieuse inexpiable en 1945 , et revenir à l'âge adulte dans sa ville adorée,qui lui a servi de mère et de père.

Le jeune héros a adoré l'école et la lecture et il est devenu poète comme l'auteur de luca lui-même par une bibliothèque qui lui a donné le goût de la transmission et le besoin de participer à l'héritage centenaire de cette ville antique,espagnole,italienne , s'étendant au pied du volcan menaçant et superbe dans son silence. Un très beau livre, plein d'espoir ,de sagesse et de vision humaniste curieusement : grandir tout seul dans un sombre réduit n'est pas un malheur absolu si on sait regarder et si on a un protecteur ...

Pascal Mercier, Night Train to Lisbon , Atlantic books, 2008

This Swiss- German writer is in fact a university Professor of Philosophy in Berlin, but his third novel has become a best seller and righfully so ; it is an excellent novel , totally engrossing ,long and somewhat hard to read. The hero , Raymond Gregorius, resembles the author : he is a old professor of ancient languages who one day, rescues by chance an unknown woman from throwing herself down a bridge . She holds a portuguese book in her hand which will fascinate Gregorius no end and cause him to leave Bern, his home town , to travel by train to Lisbon and start a new life . What does an unexpexted travel to an unexpected city , not knowing the language or the history of the land , does to a poetic mind ? A sort of slow revelation occurs and this interior voyage is a profond expérience ,a discovery of a colorful southern and recluse culture which drives relentlessly the the reader along .

An obscure but talented portuguese writer Amadeo de Prado, now dead , is our guide : Gregorius reads him constantly and tries to find his old surviving friends all over lisbon, a city which he discovers on his own. These essays on love, friendship, death and his own biography are somewhat reminiscent of Montaigne or even Camus : how to live one's life, achieve a sort of Virtue and survive hard times . We are thus invited on a fascinating spiritual and to a certain level political, quest of Amadeo and what he represented to Gregorius curious mind  ; an isolated genius,like a Renaissance man, born in a traditional, old fashioned culture ( Portugal) steeped into the past , who endured the dictatorship of Salazar, a cruel and terrible regime not at all as well known as Franco or Mussolini's were

It is an extraordinary quest , requiring a great deal of courage and perseverance ,with the knowledge of an ultimately failed life of Amadeo and his tragic demise at the end ; we learn a great deal and are nourrished .It is a great and unforgettable book,and also a magnificent ode ot Lisbon, a wondeful and mysterious city , full of old neighborhoods and gardens, far on the other side of Europe.

dimanche 12 septembre 2010

Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire, Flammarion, Prix Goncourt 2010

Le dernier livre de Houellebeck est une étude sociologique de la France actuelle en même temps qu'un portrait de l'artiste contemporain, collant à son époque , faisant de la pub ou promotion télévisuelle et médiatique de son œuvre au fur et à mesure de sa création, ainsi que citant des célébrités ( ou les » people » ) sans arrêt pour en assurer la diffusion ; C'est stupéfiant, on se croirait au festival de Cannes, et c'est tordant : on assiste donc, dès la première page à la mise en scène de Fréderic Beigbeder,Jean Pierre Pernault de TF1, de Julien Lepers, de Patrick lelay etc , tous des personnages connus , assez nuls d'après l'auteur, sauf Beigbeder qu'il aime beaucoup. De grandes marques comme les cartes Michelin , les Super marché Casino , les compagnies low Cost telles Ryan Air abondent ,avec mots anglais et informatiques pèle mêle ; bref, on se sent aussi comfy que chez le coiffeur avec pizza et fast food , même si les portrait peints par un des héros du livre ( Jed Martin), de Steve Jobs et Bill Gates , de Damien Hirst, Jeff Koons etc . comme les représentants ultimes de notre civilisation occidentale ne nous atterraient pas un max. C'est hilarant,d'une ironie sinistre et implacable, pleine de fausse bienveillance qui va loin ; ces critiques acerbes, sinistrement ironiques, et franchement terrifiantes de la dévastation du XXI e siécle , sonnent juste et sont irréfutables, accablantes , quoique drôlissimes. Il y manque Johnny Halliday, et encore je ne suis pas sûre qu'il n'y soit pas,le roman étant très touffu. Le lecteur est maqué.

Houellebeck a dû s'amuser énormément, d'ailleurs il se met en scène lui même comme écrivain connu et décrié, asocial, sale et plutôt repoussant (puant) ,l'anti héros non lavé, déprimé célèbre, ne mangeant que saucissons en rondelles et buvant du gros rouge et bon vin en pagaille… Assez bien rendu par un auteur prônant comme mode de vie, la désillusion , le contentement minimum, l'ennui pérenne ,et la lucidité absolue en toute simplicité . Je sais qu'on le critique abondamment pour son «  devoir d'être abject », sa « provocation permanente », et son plagiarisme même ; on l'appelle plaisamment « le Baudelaire des supermarchés » ( assez drôle d'ailleurs ), mais le ton incroyable de sincérité absolue et de culot tranquille , infernal, se fichant de tout et de tous , ne trompe pas : cet homme- là sait de quoi il parle . Notre civilisation est bien finie, il ne reste que de vivre à la campagne , peinard et sans douleur avec un bon petit computer,un petit revenu sûr .. et vogue la galére ! Le sexe ,c'est bien fini,Dieu merci, la famille et les enfants, n'en parlons pas, la création artistique , grotesque, «  it is a joke » ( car il parle anglais tout le temps ici ),la société libérale est une cata évidente … Les grands Présidents démocrates américains eux-mêmes comme Bill Clinton, John Kennedy et Obama apparaissant comme «  des botoxés lubriques «  en sont de bons exemples.. quelle misère ! Dans l'ensemble,il faut s'arranger pour voir le moins de cons possibles, la solitude existentielle étant parfaitement assimilée ; c'est la moindre des choses : saine vision des choses finalement. On ne peut s'empêcher de voir qu'il a diablement raison, ce héros , de s'extraire de la société de consommation et de vivre sans ambition, sans soucis , sans créer quoique ce soit de plus.

Mais il y a quelque chose qui cloche dans ce beau petit scénario : le dédoublement du héros de l'histoire est bizarre, peu crédible : pourquoi avoir crée Jed Martin et Michel Houellebeck aussi, qui se ressemblent et sont assez amis d'ailleurs , et pourquoi avoir imaginé la mort atroce et sanglante de Houellebeck qui a la tête coupée et le cadavre déchiqueté par un inconnu pervers ? C'est vrai que dans les romans précédents , il y a aussi des morts violentes , et que notre époque est violente et souvent criminelle, mais ce développement de l'intrigue affaiblit quelque peu le roman qui jusque là, était étonnamment crédible, valable et cohérent.Mais Houellebeck croit par ailleurs qu'une vie humaine doit aller jusqu'à sa fin naturelle , que la mort fait partie intégrante de la vie et en quelque sorte la couronne de signification. Une mort violente ne devrait pas tomber sur un individu plutôt doux et sans prétention car il ya une sorte d'humilité dans son retrait du monde, qui se veut bouddhique mais reste malgré tout hyper célèbre, un de ces «  people «  abhorré … quel sort cruel que d'être le prochain inévitable Goncourt !

jeudi 2 septembre 2010

Amelie Nothomb, Une forme de Vie , Albin Michel, 2010.

Le dernier opus d'Amélie Nothomb est excellent, particulièrement réussi ; récit bref de forme épistolaire , style concis assez comminatoire , ton ironique mâtiné d'auto- dérision du plus bel effet sur un sujet difficile , douloureux et même grotesque : l'obésité . Pas n'importe quelle obésité, mais celle d'un soldat américain au combat en Irak , qui vers la quarantaine s'est trouvé une parade à la peur du combat et la terreur ambiante face au terrorisme de rue comme d'autres de ses congénères d'ailleurs . Il y aurait pas mal d'obèses dans l'armée US en Irak paraît-il , et ce militaire, se met un jour à écrire à Amélie Nothomb . Cette dernière entretient une correspondance fameuse avec de nombreux fans et parle ouvertement du » vertige d'un courrier partagé » qui apporte évidemment l'illusion d'apporter du sens à toute vie. Le soldat Melvin de son coté est transporté par ce courrier et peu à peu révèle le secret de son obésité. Nothomb comprend très bien ce que cette révélation signifie et le montre clairement et sobrement ; il y a en elle quelque part ,un prof de Philo de style lapidaire : ce soldat est exemplaire d'un mal social .

Voilà un mal social de nos sociétés qui à l'instar de l'alcoolisme est un terrible résultat de la dépression profonde qui afflige ceux qu'appelle les inadaptés sociaux , exclus ou autres psychopathes : le futur obèse se baffre par compensation orale , ici pour combattre la peur du combat, et en général pour combattre isolement ,sentiment de rejet et malheur. C'est un fléau social grandissant, une pathologie qui règne partout en Occident et même en Chine désormais à laquelle notre auteur a raison de s'intéresser. Un mal qui est lié évidemment à la sédentarité, une solitude de repli et donc particulièrement à une nouvelle forme d'addiction moderne : Internet . Melvin est naturellement un internaute professionnel depuis longtemps et cela permet une bonne petite critique de l'Amérique vue comme miroir de l'Europe ,assez peu originale faut-il le dire , critique donc de ses mœurs et vices variés ( que Nothomb abhore) . »L'obésité précise-t-elle , est insupportable, mais on la supporte. Tout s'accepte . » D'un autre coté, vivre accroché à internet pendant des heures rend la vie irréelle, et un courrier signifiant apparait alors comme une planche de salut. Un écrivain peut donc sauver son prochain ?

Ecrire à un écrivain connu qui a la gentillesse de vous répondre et de s'intéresser à vous, donne de la dignité, qualité inconnue , désespérément désirée de tout être souffrant , c'est vrai. Melvin nous dit qu' Amélie d'une certaine manière le cautionne ( donc lui donne un statut) en lui proposant, un peu légèrement peut être d'étudier et d'écrire sur sa propre obésité.Ce roman est fascinant d'invention. Elle lui dégotte même un éditeur américain potentiel…

Maintenant, n 'allez pas tous écrire à Amélie Nothomb, la pauvre a déjà trop de correspondants comme cela …Mais elle fait ici une critique social étonnante et pleine de compassion , parfaitement consciente de ses propres prétentions et illusions . Elle est trop intelligente pour se tromper sur elle-même.


 

 

Qui êtes-vous ?

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Brussels, Belgium
Née à Bruxelles, mère résistante et sculpteur, père homme d’affaires, études à l ’Université libre de Bruxelles ( Philosophie et Lettres ; arts primitifs), puis à Harvard ( anthropologie), Rutgers New Brunswick, Duke University .N.C. USA ( littérature comparée, Masters et Doctorat.) Thèse publiée (Ph.D) sur Valéry et Mallarmé. Enseignement universitaire aux USA, en France (Aix en Provence) et au Liban (comme coopérant) ,littérature et philosophie , en français ou anglais. Mariée en premières noces à un avocat américain G.Robert Wills et puis à un peintre et publiciste Français, Jean- Pierre Rhein (décédé). La plupart des publications sous le nom de Wills.Vit à Bruxelles.