Book reviews Critiques littéraires Books recently published in english and french.

lundi 22 novembre 2010

Virginie Despentes, Apocalypse Bébé, Prix Renaudot 2010

Ce roman est le dernier né de la papesse de la littérature Thrash et aussi du lesbianisme militant, le tout dans un polar quasi underground où une petite lycéenne, Valentine, disparait, recherchée par 2 femmes détectives dont l'une est terrifiante et l'autre idiote (des gouines branchées) qui finissent par la retrouver. Le sommet étant atteint quand la gamine fait exploser une bombe cachée dans son vagin à l'intérieur du Palais Royal  à Paris. On pourrait dire que c'est du Houellebeck femelle mais c'est un peu mieux que cela , le style et le vocabulaire sont stupéfiants de crudité pour un lecteur moyen qui a du mal à déchiffrer ou saisir les expressions idiomatiques de ce milieu , mais c'est tordant , drôlissime et complétement déjanté.

On se demande malgré tout, pourquoi écrire un tel livre comme objet littéraire et surtout pourquoi lui donner un Prix qui est quand même prestigieux ? Cet écrivain a l'air intelligente, elle affirme être souvent déprimée, est capable d'un regard critique aigu sur la société bourgeoise, se préoccupe par ailleurs de la cause lesbienne qui serait un problème social à ses yeux .Bref, tout cela n'a que peu d'intérêt et a été mieux fait par Michel Houellebeck précisément, et on peut regretter qu'un personnage tel que la Hyéne par ex . qui est de loin la création la plus remarquable du roman, en soit réduite à faire des opérations de police assez minables et se livrer à des orgies lesbiennes genre film porno , dans les bas fonds du Barcelone .. Il y a quand même un réel talent chez Despentes qui pourrait la mener vers le monde de Dostoïevski par exemple, plutôt que de se complaire dans des personnages aussi plats et vulgaires que ces créatures issues finalement de l'envers de la société de consommation. Il n'y a aucune conscience du mal, de souffrances incurables ou même de courage social devant la transgression chez ces bonnes femmes, juste une sorte de consommation banale de petits orgasmes de groupes.C'est affligeant .

Il y a eu déjà de meilleurs récits sur le Terrorisme urbain , mais il est vrai que le terrorisme adolescent est peut être une nouveauté, mais on y croit à peine, car le personnage de Valentine est assez mal cerné, cette petite a peu de consistance : elle est une gamine sans repéres, que sa mère a abandonnée mais que la grand mére gâte outrageusement . Cependant elle est en souffrance. Un épisode savoureux est sa recherche de sa famille maghrébine car cette mére fantasmée est une Arabe qui se cache en bourgeoise française .. la visite en banlieue est très drôle , assez cruelle , pathétique ,mais pleine d'une grande finesse psychologique.Il y a quand même de tres beaux fragments dans ce roman thrash qui trace un portrait délirant d'une certaine jeunesse ni bougeoise, ni prolétaire, mais zombiesque, accrochée à ses textos , à sa musique merdique et sa sexualité facile et moche.Ce n'est pas tragique mais c'est certainement la photo d'une jeunesse perdue dans une société terriblement dégénérée , qui refuse tout futur .On ne dit pas «  Yes, we can «  maisbien «  No, we don't ».

!

 

dimanche 14 novembre 2010

Chantal THOMAS , Le Testament d’Olympe, Seuil, 2010

Personne ne connait le 18 e siècle comme Chantal Thomas et ne sait recréer l'atmosphère trouble de cette période où la misère la plus abjecte côtoyait le luxe le plus raffiné dans la même rue ou dans la même famille ; nous sommes vers 1750 , moment terrible de la guerre de Sept ans, de la misère populaire, du déclin de la popularité du roi où chacun se bat pour survivre; la France d'alors ressemble à un pays du moyen orient dans sa sauvagerie primitive. Il y a deux personnages féminins, deux sœurs Apolline qui ira au couvent et deviendra préceptrice et Ursule, qui s'évade de la maison paternelle et deviendra une femme galante c.à.d. semi prostituée de riches personnages libertins , sous le nom plus évocateur d'Olympe .Les deux personnages masculins sont de célèbres libertins: le Maréchal- duc de Richelieu, Gouverneur d'Aquitaine, et le Roi louis XV lui-même qu'Olympe rêvait de rencontrer et séduire. Pauvre petite. Une histoire de séduction royale, de triomphe et de ruine inéluctable serait sans intérêt si ce n'était le talent de Chantal Thomas pour recréer l'atmosphère de l'époque (nous lisons un mémoire): l'usage du passé simple, les formes anciennes de politesse et d'insulte, les odeurs, les sons, les scènes de chasse car la forêt était partout, le rythme de la vie mondaine de la cour et de Paris, tous ces codes de conduite qui échappent à Olympe et causent sa perte mais sont ciselés pour le lecteur. Le livre est passionnant surtout par les portraits psychologique du grand libertin raffiné et cynique, le terrible Maréchal tour à tour favori et disgracié, et de l'ambivalent Louis XV, roi de France mal connu passant pour une pale imitation du Roi Soleil, mais révélant une nature profondément religieuse, culpabilisante, alliée à une obsession de la mort et de penchants érotiques débridés visant à éloigner ces démons. Cet amant royal, évidemment incompris par la pauvre Olympe qui manque de finesse et de raisonnement, au contraire de la très intelligente Pompadour qui erre dans les parages. Olympe mourra dans la misère, les femmes ne pouvant survivre que dans les couvents ou le mariage, les enfants mourraient de manque de soins et de nourriture par centaines. Epoque terrible.

Dans son admirable roman précédent, " Les Adieux à la Reine" Prix Femina 2002, Thomas décrivait l'atmosphère raffinée et affolée de Versailles à la veille de le révolution et en même temps un portrait tragique de Marie Antoinette, reine pratiquement abandonnée par les courtisans en fuite, mais reine vue par une de ses lectrices, une femme simple et sans pouvoir, Mme laborde qui l'aimait et l'admirait. Ce point de vue extérieur rendait le livre fascinant et complètement inattendu.

Ici dans ce second roman, le même stratagème littéraire fonctionne fort bien avec le testament qu'Olympe mourante laisse à sa sœur, mais l'héroïne est d'une telle vanité et sottise que son personnage n'atteint pas le tragique de Marie Antoinette, cette en outre beneficie de la connaissance terrible que nous avons tous de sa fuite terrifiante et de sa mort effroyable sur l'échafaud.Olympe confinée au pavillon des cerfs, voulait non seulement être vue à la cour,( impossible car sans statut social) , que son enfant illégitime soit reconnu par le roi ( encore plus insensé) et que la Pompadour soit éliminée.. la pauvre n'avait rien compris, on ne fait pas des scènes de ménage au roi de France , dont on est la maitresse occasionnelle . Cela n'a rien de tragique, c'est ridicule et c'est imprudent , mais elle en mourra.. La fin de l'ancien régime n'était pas encore là, mais la souffrance sociale était terrible.

dimanche 7 novembre 2010

Anna Enquist, Contrepoint , Actes Sud, 2010

Ce septième roman publié par la grande romancière hollandaise est très difficile et admirable car il conjugue une analyse musicale des » Variations Goldberg » de J.S. Bach avec la mort accidentelle , terrible, d'une fille adulte dans la vie d'une mère, qui est évidemment pianiste , en plus d'être psychiatre .Il faut connaitre la musique et sa technique pour comprendre la subtilité du propos car la mère essaie de se guérir de ce deuil tragique en jouant au piano de manière obsessionnelle ces fameuses Variations ; » contrepoint « signifie une superposition de dessins mélodiques, et ici la tristesse paralysante de la mère et le tissu d'angoisse qu'on entend dans le style polyphonique de Bach dont ce sont les dernières compositions se rencontrent étonnamment . Bach mourra d'empoisonnement diabétique ayant écrit la 32 e Variation et le dernier aria , désespéré par la mort de son dernier fils Bernhard , jeune énigmatique . Le contenu hautement émotionnel de J.S. Bach, rarement évoqué ( sauf par Pablo Casals qui qualifia un jour, Bach de « volcan » ) est poignant , évident , dans les Variations, spécialement l'interprétation extraordinaire de Glenn Gould bien connue d'Anna Enquist qui en parle dans le livre ; elles sont d'une aide incroyable dans la lecture du livre qui suit ce cheminement .

Cette femme enchainée à son piano à queue, devant le paysage d'hiver de la campagne désolée, assaillie de souvenirs de vie de famille et de cette vie tronquée non encore accomplie d'une toute jeune femme cherchant sa voie ,pleine de talents : comment dépeindre cette peine indicible et ce désespoir devant une mort idiote ( une fille a vélo, écrasée par un camion..) sauf par une fuite dans une musique difficile et presque inaccessible , mais qui correspond à l'inconscient anéanti et enfoui en lui-même ? le style en est comme toujours chez cet auteur extrêmement sobre, minimaliste même ,tronqué puisque le texte est écrit en contrepoint avec l'étude musicale . Mais c'est remarquable : »la tragédie de la vie de l'enfant se transformait sous les mains de la mère, jour après jour, en une farce effroyable « dit-elle à la fin se rendant compte de l'exercice de volonté que représente cette étude pianistique solitaire qui lui rappelle le conservatoire et ses concours dans sa propre jeunesse . . On a l'impression que chaque phrase a couté sang et eau à cette mater dolorosa austère , sans larmes et sans sanglots, toute intérieure, et dont le » dernier Aria a capo « des variations de Bach jouées au piano, est vu en rève comme «  notre air « , que la mère joue a perpétuité pour sa fille .. . Les fragments de partitions sont imprimés dans le texte, mais ne gênent nullement la lecture.

Un pur chef d'œuvre.

lundi 1 novembre 2010

Howard Jacobson, The Finkler Question, Bloomsbury, Booker Prize 2010

This book is the Man Booker Prize of the Year ( 2010) and it is for the first time given to a comic, very funny book since Kingley Amis, which is something , but it is vastly deceiving because we deal with a very serious book about jewishness and what it means to be a jewish intellectual in a western City ( London) with the metaphysical angst pertaining to the feeling of failure. Apparently being jewish it is a problem as such ; it lies in the collective unconscious and is so pregnant in the very soul and character of all jews that long repetitive novels are inevitable : the reader is all the time irritated by the constant harping on the same themes as well as amused by the grotesque scenes enacted by all the caricature - charged characters.They are unbelievable, you want to kick them, but you don't dare because it would be openly anti semitic. Yes, Jacobson is a tough cookie.

« The Finkler Question » is like a Woody Allen movie, after a while you want to scream because the hero or heroes drive you nuts by their contradictions.There are basically three people, three old friends : Finkler , a sucessful jewish intellectual and media personality, Treslove a british BBC Has -been who wants to be jewish , finally their old wise college professor Libor Sevcik , a rather endearing man . They talk and argue all the time , enjoying themselves hugely till the crisis that sets the story in motion : the death of Finkler's and Tibor's wives, thus the sudden disappearance of love and stability in their lives. We meet head on the awful and relentless question haunting also Woody Allen's cinematic world : how to deal with women and wives and how to live without them ? .It is finally the Woman Question we are reading about in this book ,which becomes especially tragic with old Tibor's final and sinister suicide because he no longer can face the remaining of his old age without the presence of his adored wife.Let me point out here that all human lives find a taste of failure in old age, especially in non- religious societies. It is not a specific jewish stain.

There are long and unnecessary sub plots , weighing the tale down,notably the unbelievable love affair of poor Treslove, otherwise a cheap Don Juan type, who falls for the niece of Tibor a large breasted bewitching creature called Hephzibah , who turns out to be the ultimate jewish mother, but is also quite a courageous woman trying to run a Jewish- english museum in an elegant neighborhood of London, whose ouside walls are unfortunately victims of Muslim slurs, tags and insults in a terrorist plagued city.There are other worse crimes described and an ugly political problem adds itself to the existence of our jewish characters, and Finkler appears to be the best equipped to deal with this in the media and the associations he sponsors. It is all very funny , ironic, tremendously ambiguous, since Finkler claims to be anti Zionist and anti jewish himself, but it is also dramatic and infuriating to witness the effects of the real anti -semitic explosions rampant into immigrants- filled London . It is a horror ,quite as inescapable as XXI st century western urban problems, another dangerous pollution so to speak, that colors the Finkler's Question : what is a politically aware Jew to do in these circumstances ?

Yet the main theme of this book to me , is clear : failure . These interesting and gifted men ; so jewish yet so integrated into our cities cultural lives are unable in old age to wrap up their own personal lives : they failed in their own eyes with women, with their kids, in their chosen profession even , and finally in their own long friendship because of an unforgivable dumb sexual treason at the end . Where is Philip Roth finally ? not far away … Is Howard Jacobson really the «  Jewish Jane Austen »  as he claims to be ? Well, I am not so sure.

Qui êtes-vous ?

Ma photo
Brussels, Belgium
Née à Bruxelles, mère résistante et sculpteur, père homme d’affaires, études à l ’Université libre de Bruxelles ( Philosophie et Lettres ; arts primitifs), puis à Harvard ( anthropologie), Rutgers New Brunswick, Duke University .N.C. USA ( littérature comparée, Masters et Doctorat.) Thèse publiée (Ph.D) sur Valéry et Mallarmé. Enseignement universitaire aux USA, en France (Aix en Provence) et au Liban (comme coopérant) ,littérature et philosophie , en français ou anglais. Mariée en premières noces à un avocat américain G.Robert Wills et puis à un peintre et publiciste Français, Jean- Pierre Rhein (décédé). La plupart des publications sous le nom de Wills.Vit à Bruxelles.