Book reviews Critiques littéraires Books recently published in english and french.

jeudi 26 novembre 2009

Henning Mankell, Les Chaussures Italiennes, 2006 et 2009 en français

Cet étonnant auteur de polars psychologiques suédois a un succès planétaire indéniable , ayant crée un héros Wallander, qui ressemble au Maigret de Simenon, c'est-à-dire un homme moyen reflétant la société de son époque et ses problèmes existentiels , sans arriver à faire bouger sa propre vie . Les lecteurs contemporains sont fascinés par des individus ( ou anti héros) comme Wallander qui ont des vies bloquées et sont guettés par le dépression et du coup se jettent sur Mankell un peu comme ils se jettent sur Murakami, dans une ruée d'auto identification qui est proprement un phénomène sociologique. Les gens ne sont pas idiots savent ce qui leur plait car ils souffrent des mêmes maux : inadaptation au réel ( au monde et aux autres) et repli sur soi ( dépression et paralysie ) : vous avez compris le succès inouï de Mankell.

Il est donc intéressant de voir ce que Mankell fait dans ce dernier roman où Wallander est absent et est remplacé par Fredrik Welin, chirurgien retraité qui vit reclus sur une ile de la Baltique depuis 10 ans sans contact avec le monde ; n'oublions pas ici que l'auteur est dans la vie le gendre du cinéaste Ingmar Bergman fameux pour son isolement insulaire dans les hivers terrifiants du Nord .Heros peu engageant : la routine est la même tous les jours, survivre, écouter la radio, écrire son journal , se baigner dans l' eau glacée ; il attend la mort. Il faut que l'action vienne de l'extérieur et elle va surgir en cascade par la figure de femmes uniquement. Tout d'abord une vieille femme en mauvais état avec son déambulateur apparait un jour, ayant accosté par bateau postal ; C'est Harriet , ancienne fiancée abandonnée par Welin qui vient demander des comptes avant de mourir. Elle sera suivie de Louise, sa fille et celle incidemment de Welin également, qui vit aussi isolée dans une communauté côtiere, dans une roulotte et ses chaussures italiennes .. Et finalement Agnès, l'ancienne patiente que le chirurgien Welin a amputée d'un bras dans une opération ratée du passé, est conctactée par lui qui arrive à quitter son île .Festival de l'aliénation évidemment , tous ces gens sont des marginaux par choix ,sans aucun intérêt direz-vous, mais curieusement Mankell arrive à tisser un récit cohérent et humain de cet imbroglio qui est passionnant avec les occupations incroyables de ces dames  qui les relient au monde organisé.

D'abord Harriet avec son cancer terminal sera prise en charge par la sécurité sociale à Stockholm ( normal) ,ensuite Louise ira faire une manif devant les députés européens ( assez ordinaire ) , et Agnès, la plus drôle, a recueilli des filles immigrées orientales battues , sauvages et schizoïdes et leur sert de mère en se débattant parmi les fugues ,les crises de rage , et le manque de fonds . .. Ceci touche donc à la question immigrée en Suède, sujet brulant dans toue l'Europe actuelle et dont Mankell se fait l'écho ici (il habite la moitie de l'année au Mozambique ou il fait du travail social ),sans y trouver de solution. Mais le piquant ici vient du fait que ces femmes demandent toutes des comptes à Welin,qui représente donc en victime expiatoire, la société contemporaine . Société accusée de tous les maux : elle est inadaptée aux besoins humains, froide et impersonnelle, immorale et sans pitié envers les réfugiés , et surtout cruelle envers les femmes, les seules qui donnent la vie et la nourrissent . Un réquisitoire impitoyable mais fait à travers les péripéties de l'intrigue qui est bien ficelée et évidemment transforment la vie du reclus agressé dans son refuge insulaire . Il bouge enfin vers une fin de vie humaine..

Voici donc un roman féministe, et on se demande si Mankell l'a voulu comme tel car le statut de Robinson lui plait beaucoup et le dépression, maladie moderne chronique , est une chose qu'il connait très bien ; on peut dire que son livre est un combat et une méditation sur la mort : on ne peut pas mourir seul sur une île sans avoir résolu toutes les trahisons et abandons de sa vie passée.

jeudi 19 novembre 2009

Jens Christian Grondahl, Les mains rouges, Gallimard, 2006 , 2009 (en français)

Cet écrivain danois très connu dans son pays, s'est rendu célèbre par « Eté Indien « , qui est aussi devenu un film culte , il y a quelques années.

Il a le don du polar intelligent et psychologique du genre soft , sans violence affichée et sans sadisme étalé , et ici il s'attelle au problème de la culpabilité à retardement : comment vivre avec le poids de la faute passée. Son héroïne est une jeune danoise , fille au pair indélicate et profiteuse ,mais non- délinquante ,qui a participé aux attentats terroristes en Allemagne d'un groupe ressemblant à la bande à Baader , donc des tueurs patenté, dans las années 1970 . Vingt ans après les faits, cette Sonja qui avait accepté sans réfléchir de conduire la voiture des terroristes fuyards , dont l'un est son amant , est maintenant mariée et installée dans une banlieue chic de Copenhague. Lisant dans les journaux que les coupables réfugiés en Syrie depuis des années , vont finalement passer en jugement en Allemagne , elle décide d'y aller avec son ami. (en trompant son mari, qui ne connait rien du passé de sa femme évidemment) . Une héroïne plus antipathique est difficile à imaginer  ; non seulement son aveuglement passé lui saute aux yeux tardivement mais une culpabilité assortie de dégout de soi même l'assaillent trop tard . A quoi sert de regarder ses anciens amis , sans oser les rencontrer ,ou d'aller trouver l'épouse d'une des victimes, sans s'excuser ou se dénoncer aux autorités et payer sa dette à la société ? Elle erre silencieuse et honteuse, se remémorant son indifférence criminelle de jeunesse ; bref le portrait du lâche insupportable qui reste bien en deçà, au chaud, sans rien dire.

Nous en verrons plus d'un dans las années à venir, des terroristes vieillissants. Celle-ci est pathétique, feint de mettre toute sa passivité sous le compte de la dépression existentielle ou de la mélancolie congénitale . Peinture affreuse , très subtilement faite d'un personnage inédit et sans espoir , qui ne peut que contempler le temps qui fuit et le passé qui ne disparait jamais car nos actes nous suivent  tandis que nous lecteurs , ne pouvons évidemment pas qualifier de tels anti héros de personnages tragiques ou ignobles ( comme Saddam par ex ) car ils n'ont même pas reconnu publiquement leur rôle immonde dans des assassinats aveugles et imbéciles. Ils ne comptent pas ,ils ne sont rien, ils ne sont que des zombie dangereux qui vivent pour rien. Enfin, imagine-t-on un personnage » aux mains rouges « , aussi vil que celle-ci , qu'on pourrait fréquenter tous les jours au magasin du coin ?

Grondahl nous laisse tirer la morale de son récit nous-mêmes et nous donne ici une histoire contemporaine qui va devenir bientôt tout à fait habituelle dans nos sociétés : le terroriste à la retraite ; incroyable issue à un problème non résolu mais que cet écrivain nous révèle brillamment.

 

vendredi 13 novembre 2009

J.M.COETZEE , SUMMERTIME , SCENES FROM PROVINCIAL LIFE. 2009

This Nobel prize writer is still obsessed by his youth on the veld in South Africa and in his continued auto-biography ( this is the continuation of "Youth"and "Boyhood, scenes from provincial life "), he attempts a fictional interview of J.MCoetzee (himself) presented as dead . It is quite frightening ( I thought that he was really dead at first) and curiously quite revealing as a search for truth ; it ends up presenting a complex and sometimes unflattering portrait of Coetzee, whom the fake interviewer does not know personally by the way.

In the period of his life presented here, he is 30 years old and has returned to South Africa to live with his old father while he is in between jobs : a more dismal and lonely life can hardly be described in a run- down cabin, in a country with no future inhabited by people who see nothing and understand nothing of the political situation ( post -apartheid) but just continue living as impoverished farmers or impatient potential immigrants to Australia or New Zeeland . Young Coetzee , a failed writer at this point, is the typical anti-hero ,whose return home is fraught with alienation , relentless disappointment,sorrow and the piercing inability to connect with either his Afrikaner family or the women he meets; he wanders around forlorn in this dusty desert land , unredeemed loner , looking for his childhood happy remembrances. Poor soul. Mostly he fails in all his women encounters ; they all find him emotionally dead, unable to express his feelings , not allowing a relationship to grow " ,being a weak presence" etc. On the whole a rather sinister and discouraging portrait which few writers would allow of themselves, when one thinks of it. We perceive here clearly a very clever imitation iof the famed " Portrait of the artist as a young man " not as funny and witty but sad and profound.

We can recall the literary pastiche of other novels of Coetzee such as "Foe" (imitation of Robinson Crusoe), and " The Master of St Petersburg" ( imitation of Dostoievsky ) which were quite effective . Here one of the more haunting quality of this work is the nostalgia for a dying way of life,the Pioneer Boers ( his clan) rooted on this tough land,now growing meager crops because drought is increasing , loosing money, being evicted by modern industrial life and vilified as racist pigs.He is grieving for them.

"Coetzee saw Africa through a romantic haze" says one of his academic mistress , adding that he was "too Calvinist to invest in Utopian longings",which means that our human condition is to him, a fallen state ; the black liberation struggle was just but it is not enough, and the future of the country is terrible since fighting prolongs the cycle of aggression and retaliation. A gloomy perspective , a land where the whites ultimately would all leave because their presence there was seen as legal but illegitimate since it was based on colonial conquest and apartheid .

These ambivalent and tragic feelings pervade all south African literature inevitably, think of Nadine Gordimer , and naturally these fictionalized memoirs presented as a lasting testimony , are no exception .This book proves rather uneasy to read because one has to accept its strange status of a false auto –biography ; one does in fact, but it is mainly a meditation on a life of exile and it is deeply moving.

mardi 10 novembre 2009

Marie Ndiaye , Trois Femmes Puissantes, Gallimard, Prix Goncourt 2009

Ce roman si beau et si terrible d'une femme- écrivain reconnue déjà comme talentueuse et d'origine africaine, nous fait entrer d'emblée dans un monde de souffrance et d'humiliation particulier ,qui est très différent du vêcu européen, même du monde de Zola ou de Dickens qui sont les grands romanciers de la douleur, de la pauvreté et de le destitution. Des femmes puissantes , ces héroïnes de Ndiaye ? Que non . Car les trois femmes dont il est question sont toutes des objets qui exercent une certaine puissance d'attraction sur d'autres êtres ( des hommes inévitablement ) qui les manipulent ou les exploitent sans vergogne . Elles essaient d'être des sujets mais y parviennent à peine, elles essaient de survivre et sont presque écrasées, mais elles ont une fortitude inébranlable.

Tout d'abord il y a ce style ample, lyrique, qui ose de longues périodes du genre Chateaubriand ; voici une plume rare qui décrit un monde complexe de par les hommes qui le peuplent, la nature et ses rythmes .Tout à fait somptueux dans sa beauté ce style baigne les trois récits . Rien que cela justifierait le Goncourt.

La première Femme est Norah, courageuse métisse immigrée , devenue avocate en France , qui se voit rappeler en Afrique par un père abusif, sadique, alcoolique et déchu, un vrai Karamazov, pour défendre au tribunal son frére meurtrier en prison… Le fils bienaimé ! Tout le malheur et la malédiction de l'Afrique la frappe d'un seul coup , sa vie est coupée en deux ,elle est obligée de replonger et d'aider ceux qui ont fauté. Et cette femme puissante est fauchée bloquée dans ce qu'elle a su bâtir ; mais elle est heureusement avocate et sans illusions.

La deuxiéme Femme est Fanta , jolie petite enseignante Sénégalaise toute guillerette qui se laisse emmener en France par son idiot de mari , petit blanc raté, où ils se retrouvent tous les deux sans boulot dans une banlieue sinistre. Cette femme qui est le seul trésor de son mari , nous est cependant inconnue : elle est une présence forte dans le récit ,sans paroles presque , inaccessible , fermée sur elle-même . Couple souffrant et humilié , la France se révèle pour eux un enfer et le paradis perdu est l'Afrique .

La troisième Femme Khady, est absolument tragique et représente le cauchemar des Européens : l'immigrée clandestine qui meurt écartelée et sanglante sur le grillage frontalier du Maroc .L'image de l'Europe forteresse cruelle et sans pitié se dresse ici .Or cette malheureuse est la victime des Africains  tribaux qui eux-mêmes se battent pour survivre .Khady est un rebut rejetée par tous, objet de souffrances et d'agressions abominables , mais femme puissante malgré tout, qui arrivera à garder dans cette odyssée du malheur sa dignité sa propre humanité. Ce roman bouleversant par ces trois destins de Femmes emblèmatiques ,remet les pendules à l'heure en ce qui concerne le féminisme triomphant et les droits de l'Homme dont nous nous gargarisons en Europe : les autres continents n'ont guère ce loisir et sont encore dans les affres de la survie.

dimanche 8 novembre 2009

John Banville, The Infinities,2009

John Banville won many prizes and notably the Man Booker Prize in 2005 for "The Sea ", and is rightfully recognized as the most gifted Irish writer of his generation mainly for his extraordinary style at once poetic , lyrical and acerbic ,verging on black humor as well as an aching sense of loss. All these attributes appear in his latest book, but a mythological aspect is added to the story: the Greek gods are watching the action with an ironic eye. It could have been a ridiculous novelistic device but it is not; it is very entertaining indeed .

The narrator is Hermes, the God of communication, who comments on the characters and takes pity on them while his Dad, Zeus,is pursuing the beautiful and sexy broad, aptly called Helen, making a fool of himself and of her . The tragic aspect of the tale is thus craftily hidden and Banville tells one long day in the life of the family of Adam Godley, a famed scientist who invented an awesome theory of Infinities at one time. Old Adam is dying and lies in state in the" Sky room "of his dilapidated country house , in a gloomy obscurity ; the reader is made to listen to all the interior monologues of every family member , including the dying patriarch. Virginia Woolf's splendid " Mrs Dalloway" comes to mind immediately with its subtle psychology and variegated style of many strata comprising dreams, projections, reminiscences,fears , caustic self mockery, even schizoid fantasies .Banville uses the same wonderful technique successfully here , but his book is not solar as Woolf's is .his characters are suffering and are unhappy except the housekeeper and her aged lover; there is no happy and royal Mrs Dalloway here to console us and bring the novel to an apotheosis . Hermes feels righfully sorry for us , poor mortals.

The mental patient in the family, Petra , the daughter of the hero is self destructive and destined to die early, his wife is an elf, the son is an oaf, the daughter in law an obnoxious seductress,the guests are a vain pseudo journalist and a fraudulent financial advisor.. even the great Tolstoyan patriarch himself is a pathetic has been. Yet, the tale is fascinating, full of human foibles and great moments of poetic truths which make this day memorable.The surveying gods are much less interesting than humans because they lack these mortal failings : the capacity to suffer and also to die. We see with Hermes that death is viewed as an advantage , since it ends the dreadful comedy finally ,a but our life is neither boring nor monotonous as the God's routine is. Poor Gods, and poor humans ; thank God for good writers.

This is an excellent novel with an unexpected end: the dying man comes back to consciousness and is brought forth in front of an open window, looking on the lovely sunny countryside.

 

Qui êtes-vous ?

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Brussels, Belgium
Née à Bruxelles, mère résistante et sculpteur, père homme d’affaires, études à l ’Université libre de Bruxelles ( Philosophie et Lettres ; arts primitifs), puis à Harvard ( anthropologie), Rutgers New Brunswick, Duke University .N.C. USA ( littérature comparée, Masters et Doctorat.) Thèse publiée (Ph.D) sur Valéry et Mallarmé. Enseignement universitaire aux USA, en France (Aix en Provence) et au Liban (comme coopérant) ,littérature et philosophie , en français ou anglais. Mariée en premières noces à un avocat américain G.Robert Wills et puis à un peintre et publiciste Français, Jean- Pierre Rhein (décédé). La plupart des publications sous le nom de Wills.Vit à Bruxelles.