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lundi 29 mars 2010

Elizabeth Badinter, Le conflit, la femme et la mère, Flammarion,2010

Ce dernier livre de l'éminente philosophe et sociologue de la condition féminine est fascinant par ses révélations de la guerre souterraine que mènent les idéologies contemporaines pour ramener les femmes à la maison ,dès la naissance de leur enfant et les culpabiliser si elles ne l'allaitent pas.On croit revenir à la période de Rousseau . Qu'est-ce à dire ?

Nous assistons au retour au modèle traditionnel de la Mère triomphante , qui suivant son seul instinct maternel, abandonnerait toute poursuite professionnelle et tomberait dans les bras du«  Naturalisme « se mouvant en «Maternalisme «  afin d'englober grossesse , maternité, allaitement et toute l'éducation de l'enfant à qui sa mère doit tout … Ce phénomène incroyable et terrifiant prend de l'ampleur ( statistiques à l'appui) qui enjoint aux femmes de remiser les biberons , jeter le lait en poudre et allaiter obligatoirement pendant 2 ans l'enfant - tyran , lequel accapare sa mère à plein temps. Ce discours de culpabilité est mis au point par un puissant organisme nommé » La Ligue La Leche « qui a son siège aux Etats Unis depuis 1956 et s'étend actuellement sur toute la planète. Ce recul de l'émancipation des femmes à peine entré dans les mœurs, est difficile à accepter et arrange évidemment tous ceux qui sont menacés par le travail des femmes . Résultat immédiat : on voit la montée du travail partiel des femmes et en plus, les femmes seules , isolées ou divorcées, qui doivent travailler très vite après l'accouchement sont vues comme de mauvaises mères .Evidemment il s'ensuit tout un discours sur la bonne santé physique et psychique de l'enfant ainsi materné et nourri au sein ,qui serait l'enfant heureux et normal voulu par la nature et qui ne serait pas mis en crèche , source d'infections et d'abandon affectif.  Bref, la totale. Il y a de quoi se suicider de culpabilité.

Badinter s'attaque ensuite avec acuité à un autre phénomène social récent dans nos sociétés industrialisées : les femmes dites « childless », ou sans enfants . Ce sont des femmes qui choisissent de ne pas avoir d'enfants et la vraie révolution est évidemment là : le refus d'enfant qui est autrement plus grave et quasiment incompréhensible , quand on sait à quel point les gens sans descendance souffrent quand l'âge arrive. Ces femmes infertiles sont 2 fois plus nombreuses qu'il y a 30 ans , même en Asie , et les statistiques démographiques montrent que le Japon, l'Allemagne et l'Italie sont les championnes de cette infertilité moderne . Curieusement ce sont aussi des sociétés patriarchales anciennes qui ont toujours privilégié le rôle traditionnel de la femme au foyer qui élevait ses enfants , qui sont si infertiles . On assume que la révolution féministe semble bien avoir balayé ces traditions et avoir amené avec les nouvelles générations ce stupéfiant refus d'enfant qui ne réagit pas aux politiques natalistes mises en place par les Etats inquiets pour l 'avenir de leur sécurité sociale.Le plus troublant est que ce sont évidemment les femmes les plus éduquées et les plus performantes dans le monde du travail qui se désintéressent de la vie de famille avec enfants et préfèrent leur carrière et leur liberté ( et leur vie sexuelle !) . L'allaitement ne les intéresse nullement, le bonheur apporté par l'enfant leur est invisible, celui-ci n'est plus du tout l'enfant -Roi mais « l'enfant gène «  Cela augure du pire et pourrait empirer.

En effet, que voit- on surgir ici ? Bien évidemment l'hédonisme individuel, ou égoïsme bien compris, càd l'ennemi juré de toute idéologie et la mort de la société reproduisant ses propres modèles. Badinter n'ose pas le dire, mais qui va élever les enfants intelligents et doués si les meilleurs parents potentiels déclarent forfait ? Le manque de politique familiale n'est pas le seul coupable et le conflit est bien celui-ci : comment concilier la vie professionnelle et la vie familiale ,chose impossible au Japon par ex. Un sondage récent en Allemagne est révélateur sur les valeurs essentielles de la vie familiale vue par les jeunes adultes : 1)La santé 2) La sécurité financière 3) le travail 4) le couple et la sexualité  5) les enfants .. L'enfant est no 5 et presque dernier . C'est effrayant de voir ces couples se roulant dans leur tête à tête plein de charme et on se dit que le club Med a gagné .Pas si perdant que cela, ce bon vieux club.Une femme interviewée a même eu ce commentaire inouï sur un enfant en bas âge gardé à la maison : » comment vivre en compagnie exclusive d'un incontinent, mentalement déficient ? » Evidemment de ce point de vue là, jamais on n'aura d'enfants  et un fameux problème social se profile.

Donc , le nouvel hédonisme ne cède en rien aux sirènes du nouveau Maternalisme de « La leche « et proclame sèchement : il y a beaucoup à payer et à perdre en ayant un ou deux enfants , «  soit on assume ( mère parfaite),soit on s'abstient « .C'est clair,le motif allégué étant le perte de liberté. En conclusion , la maternité n'est plus qu'un aspect de l'identité féminine au XXI e siècle, ce qui est un progrès et le Maternalisme ne serait que est la base d'une nouvelle morale qui prend ou ne prend pas .

Badinter parle finalement du phénomène français de » la belle natalité nationale « , qui est attribuée à l'héritage historique d'une société qui admettait que les femmes choisissent leur mode de vie ( mettre les enfants en nourrice, donc ne pas allaiter ),ensuite aux écoles maternelles gratuites et finalement au modèle conjugal souple : mariage, concubinage, pacs etc… il y a même de la polygamie. Il y a aussi , ne l'oublions pas, une forte immigration en France qui privilégie les aides sociales données aux enfants . Mais la natalité est un mystère insondable ,de même que les aléas du Féminisme et du contre-Féminisme ou du retour du Naturalisme , qui s'apparente probablement à l'Ecologie tellement à la mode. Ce livre est une mine de renseignements surprenants sur les évolutions qui se passent sous nos yeux ; il faut le lire.

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Brussels, Belgium
Née à Bruxelles, mère résistante et sculpteur, père homme d’affaires, études à l ’Université libre de Bruxelles ( Philosophie et Lettres ; arts primitifs), puis à Harvard ( anthropologie), Rutgers New Brunswick, Duke University .N.C. USA ( littérature comparée, Masters et Doctorat.) Thèse publiée (Ph.D) sur Valéry et Mallarmé. Enseignement universitaire aux USA, en France (Aix en Provence) et au Liban (comme coopérant) ,littérature et philosophie , en français ou anglais. Mariée en premières noces à un avocat américain G.Robert Wills et puis à un peintre et publiciste Français, Jean- Pierre Rhein (décédé). La plupart des publications sous le nom de Wills.Vit à Bruxelles.