Je viens de lire 2 romans de l'Echec, l'un d'un homme hollandais sans descendance et l'autre d'une femme probablement sud américaine et de sa triple descendance de femmes maudites ; nous voici édifiés sur le mal de vivre qui se transmet inexorablement depuis nos ayeux. Gerbrand Bakker est hollandais et son premier roman, « Là-haut tout est calme » publié en 2006 ,a eu un succès phénoménal aux Pays bas et nous interpelle car il parle d'une région de polders ou « watergangs », situés sous le niveau de la mer , donc appelée à disparaitre et où les paysans travaillent encore très durement et mènent une vie désespérante .Le héros malheureux ,forcé par la mort accidentelle de son frère jumeau à reprendre la succession de la ferme sous la férule d'un père castrateur, passe une vie horrible de monotonie, de pauvreté et d'imbécilité sous le cul des vaches , renfermé , sans contact humain dans un métier qui va disparaitre . Sa vengeance sourde est de laisser le vieux père mourir tout seul « en haut » à l'étage , comme un chien , sans lui parler. Terrifiant. Tout cela narré dans un style bref, immédiat, sans lyrisme aucun .A côté « Le Père Goriot » est quasiment plaisant ; on ne voit rien venir qu'une petite aventure avec la veuve du frère jumeau décédé, tourner en eau de boudin et la fuite de la belle horrifiée par la haine familiale rongeant la maisonnée. Les hommes peuvent être des victimes aussi totales que les femmes et mourir de solitude et d'abandon dans un environnement sans espoir, la nature et les beaux ciels couchants ne suffisant pas à nourrir l'âme humaine.Les hollandais douillettement urbanisés ayant lu ce livre , doivent remercier le ciel de n'être plus des paysans liés au sol et au climat comme leurs ancêtres.
Le second roman de Véronique Ovaldè , auteure française à succès, a gagné le Prix Renaudot des Lycéens pour « Ce que je sais de Vera Candida », superbe tître d'un conte réaliste et imaginaire ( aspect décrit communément comme « magique « par la critique), qui ressemble à un roman sud américain par son exotisme et sa psychologie ethno- primitive. Un roman très plaisant à lire, plein d'humour et de dialogues verts, croustillants , argotiques et de commentaires « off « caricaturant les personnages de la façon la plus drôle. Mais le sujet est tout aussi terrifiant que la roman hollandais , c à d l'échec, mais ici il se transmet sur 3 générations et mène à la mort programmée de chacune des ces femmes.Vera Candida, la troisième de cette dynastie atroce est une fille de pute,violée par son propre grand père, et fille- mère d'une dernière jeune fille, qui elle, va peut être casser la malédiction et s'en sortir par des études… Candida elle-même a trouvé un boy friend fort gentil et muni d'un bec de lièvre, ( on croit rêver…) , mais va retourner dans son île de naissance pour y mourir seule d'un cancer, dans la cabane de la grand mère mythique à l'origine de cette saga.La petite dernière met tous ses espoirs dans des études hypothétiques et elle n'a pas encore été violée… c'est un progrès.
On se demande si ce roman est une fable féministe , un récit noir de la désillusion ou un exercice ironique sur la modernité renversée des femmes immigrées exploitées et tuées dans l'œuf , jetées dans un scenario qui se répète. Les victimes pullulent et le pathos Ovaldien est efficace, on se sent vaguement responsable en lisant la terrible histoire de la chute inévitable des êtres faibles et sans défense .Qui va les aider dans ce vaste monde à vivre ?