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dimanche 7 novembre 2010

Anna Enquist, Contrepoint , Actes Sud, 2010

Ce septième roman publié par la grande romancière hollandaise est très difficile et admirable car il conjugue une analyse musicale des » Variations Goldberg » de J.S. Bach avec la mort accidentelle , terrible, d'une fille adulte dans la vie d'une mère, qui est évidemment pianiste , en plus d'être psychiatre .Il faut connaitre la musique et sa technique pour comprendre la subtilité du propos car la mère essaie de se guérir de ce deuil tragique en jouant au piano de manière obsessionnelle ces fameuses Variations ; » contrepoint « signifie une superposition de dessins mélodiques, et ici la tristesse paralysante de la mère et le tissu d'angoisse qu'on entend dans le style polyphonique de Bach dont ce sont les dernières compositions se rencontrent étonnamment . Bach mourra d'empoisonnement diabétique ayant écrit la 32 e Variation et le dernier aria , désespéré par la mort de son dernier fils Bernhard , jeune énigmatique . Le contenu hautement émotionnel de J.S. Bach, rarement évoqué ( sauf par Pablo Casals qui qualifia un jour, Bach de « volcan » ) est poignant , évident , dans les Variations, spécialement l'interprétation extraordinaire de Glenn Gould bien connue d'Anna Enquist qui en parle dans le livre ; elles sont d'une aide incroyable dans la lecture du livre qui suit ce cheminement .

Cette femme enchainée à son piano à queue, devant le paysage d'hiver de la campagne désolée, assaillie de souvenirs de vie de famille et de cette vie tronquée non encore accomplie d'une toute jeune femme cherchant sa voie ,pleine de talents : comment dépeindre cette peine indicible et ce désespoir devant une mort idiote ( une fille a vélo, écrasée par un camion..) sauf par une fuite dans une musique difficile et presque inaccessible , mais qui correspond à l'inconscient anéanti et enfoui en lui-même ? le style en est comme toujours chez cet auteur extrêmement sobre, minimaliste même ,tronqué puisque le texte est écrit en contrepoint avec l'étude musicale . Mais c'est remarquable : »la tragédie de la vie de l'enfant se transformait sous les mains de la mère, jour après jour, en une farce effroyable « dit-elle à la fin se rendant compte de l'exercice de volonté que représente cette étude pianistique solitaire qui lui rappelle le conservatoire et ses concours dans sa propre jeunesse . . On a l'impression que chaque phrase a couté sang et eau à cette mater dolorosa austère , sans larmes et sans sanglots, toute intérieure, et dont le » dernier Aria a capo « des variations de Bach jouées au piano, est vu en rève comme «  notre air « , que la mère joue a perpétuité pour sa fille .. . Les fragments de partitions sont imprimés dans le texte, mais ne gênent nullement la lecture.

Un pur chef d'œuvre.

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Brussels, Belgium
Née à Bruxelles, mère résistante et sculpteur, père homme d’affaires, études à l ’Université libre de Bruxelles ( Philosophie et Lettres ; arts primitifs), puis à Harvard ( anthropologie), Rutgers New Brunswick, Duke University .N.C. USA ( littérature comparée, Masters et Doctorat.) Thèse publiée (Ph.D) sur Valéry et Mallarmé. Enseignement universitaire aux USA, en France (Aix en Provence) et au Liban (comme coopérant) ,littérature et philosophie , en français ou anglais. Mariée en premières noces à un avocat américain G.Robert Wills et puis à un peintre et publiciste Français, Jean- Pierre Rhein (décédé). La plupart des publications sous le nom de Wills.Vit à Bruxelles.