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mercredi 9 décembre 2009

Gwanaelle Aubry, Personne, mercure de France, Prix Femina 2009

Cette jeune Philosophe donne ici un roman mémoriel sur son père, une quête d'identité sur la personnalité double de ce père avocat et professeur de droit, et en même temps clochard et SDF glissant dans le néant : un père fou qui a obsédé et presque ruiné la jeunesse, l'âge adulte et les vies de ses deux filles. C'est donc un récit dur et pénible à lire tout en étant tragique de par son écriture lyrique et souvent métaphorique pour évoquer ce qui parait être une schizophrénie caractérisée. On pense souvent à Althusser.

Comment décrire un fou qui est aussi un homme remarquable, qui souffre lui-même beaucoup de sa propre déchéance , de son besoin irrépressible de s'abimer dans l'absence ? Car Il désire être personne, il est constamment hanté par le désir de disparaitre. Aubry aligne donc une série portraits, portant des titres choisis par elle et par lui même dans ses divagations et ses écrits : «  Flic », «  Gisant « , « Hoffman (Dustin) » «  Léaud ( Jean Pierre ) « ou «  Pirate «  etc. qui évoquent tous des rôles ou des masques choisis par le malade au cours de sa vie . D'où ce titre étrange «  Personne «  qui est un terme psychiatrique en tant que « persona », mais le livre aurait pu se nommer « L'absent «  tout aussi bien .

Deux émotions flottent en permanence dans l'âme de la narratrice : l'angoisse et la culpabilité mais de maniére inégale car dans l'enfance les deux petites filles éprouvaient de la terreur vis-à-vis de ce père imprévisible qui disparaissait ou s'enfermait dans son bureau ; et à l'âge adulte quand Aubry essaie de se faire une vie normale et d'échapper à l'emprise de cette folie, elle se sent coupable de l'abandonner à sa solitude. Ce père anormal, souvent en loques, ivre ou errant et interné de force, est méprisé par le reste de la famille, famille très bourgeoise et traditionnelle, et n'a plus que ses filles adultes pour l'aimer et lui parler au téléphone par exemple. Tout cela est déchirant, les scènes de commissariat par exemple, et c'est très dur à lire car il n'y a pas de répit . Mais c'est un livre qui n'est pas misérabiliste pour autant et a un poids psychologique énorme, qui interpelle tous ceux qui connaissent la maladie mentale au milieu de leurs proches et qui ont appris à vivre avec ce terrible fardeau. On ne peut pas gagner cette bataille, seulement la subir, et Aubry s'en est délivrée avec son livre- hommage. Pour les lecteurs, le sentiment de pitié prévaut ainsi que l'admiration pour cette œuvre belle et courageuse. Un prix Femina mérité.


 

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Brussels, Belgium
Née à Bruxelles, mère résistante et sculpteur, père homme d’affaires, études à l ’Université libre de Bruxelles ( Philosophie et Lettres ; arts primitifs), puis à Harvard ( anthropologie), Rutgers New Brunswick, Duke University .N.C. USA ( littérature comparée, Masters et Doctorat.) Thèse publiée (Ph.D) sur Valéry et Mallarmé. Enseignement universitaire aux USA, en France (Aix en Provence) et au Liban (comme coopérant) ,littérature et philosophie , en français ou anglais. Mariée en premières noces à un avocat américain G.Robert Wills et puis à un peintre et publiciste Français, Jean- Pierre Rhein (décédé). La plupart des publications sous le nom de Wills.Vit à Bruxelles.