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dimanche 12 septembre 2010

Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire, Flammarion, Prix Goncourt 2010

Le dernier livre de Houellebeck est une étude sociologique de la France actuelle en même temps qu'un portrait de l'artiste contemporain, collant à son époque , faisant de la pub ou promotion télévisuelle et médiatique de son œuvre au fur et à mesure de sa création, ainsi que citant des célébrités ( ou les » people » ) sans arrêt pour en assurer la diffusion ; C'est stupéfiant, on se croirait au festival de Cannes, et c'est tordant : on assiste donc, dès la première page à la mise en scène de Fréderic Beigbeder,Jean Pierre Pernault de TF1, de Julien Lepers, de Patrick lelay etc , tous des personnages connus , assez nuls d'après l'auteur, sauf Beigbeder qu'il aime beaucoup. De grandes marques comme les cartes Michelin , les Super marché Casino , les compagnies low Cost telles Ryan Air abondent ,avec mots anglais et informatiques pèle mêle ; bref, on se sent aussi comfy que chez le coiffeur avec pizza et fast food , même si les portrait peints par un des héros du livre ( Jed Martin), de Steve Jobs et Bill Gates , de Damien Hirst, Jeff Koons etc . comme les représentants ultimes de notre civilisation occidentale ne nous atterraient pas un max. C'est hilarant,d'une ironie sinistre et implacable, pleine de fausse bienveillance qui va loin ; ces critiques acerbes, sinistrement ironiques, et franchement terrifiantes de la dévastation du XXI e siécle , sonnent juste et sont irréfutables, accablantes , quoique drôlissimes. Il y manque Johnny Halliday, et encore je ne suis pas sûre qu'il n'y soit pas,le roman étant très touffu. Le lecteur est maqué.

Houellebeck a dû s'amuser énormément, d'ailleurs il se met en scène lui même comme écrivain connu et décrié, asocial, sale et plutôt repoussant (puant) ,l'anti héros non lavé, déprimé célèbre, ne mangeant que saucissons en rondelles et buvant du gros rouge et bon vin en pagaille… Assez bien rendu par un auteur prônant comme mode de vie, la désillusion , le contentement minimum, l'ennui pérenne ,et la lucidité absolue en toute simplicité . Je sais qu'on le critique abondamment pour son «  devoir d'être abject », sa « provocation permanente », et son plagiarisme même ; on l'appelle plaisamment « le Baudelaire des supermarchés » ( assez drôle d'ailleurs ), mais le ton incroyable de sincérité absolue et de culot tranquille , infernal, se fichant de tout et de tous , ne trompe pas : cet homme- là sait de quoi il parle . Notre civilisation est bien finie, il ne reste que de vivre à la campagne , peinard et sans douleur avec un bon petit computer,un petit revenu sûr .. et vogue la galére ! Le sexe ,c'est bien fini,Dieu merci, la famille et les enfants, n'en parlons pas, la création artistique , grotesque, «  it is a joke » ( car il parle anglais tout le temps ici ),la société libérale est une cata évidente … Les grands Présidents démocrates américains eux-mêmes comme Bill Clinton, John Kennedy et Obama apparaissant comme «  des botoxés lubriques «  en sont de bons exemples.. quelle misère ! Dans l'ensemble,il faut s'arranger pour voir le moins de cons possibles, la solitude existentielle étant parfaitement assimilée ; c'est la moindre des choses : saine vision des choses finalement. On ne peut s'empêcher de voir qu'il a diablement raison, ce héros , de s'extraire de la société de consommation et de vivre sans ambition, sans soucis , sans créer quoique ce soit de plus.

Mais il y a quelque chose qui cloche dans ce beau petit scénario : le dédoublement du héros de l'histoire est bizarre, peu crédible : pourquoi avoir crée Jed Martin et Michel Houellebeck aussi, qui se ressemblent et sont assez amis d'ailleurs , et pourquoi avoir imaginé la mort atroce et sanglante de Houellebeck qui a la tête coupée et le cadavre déchiqueté par un inconnu pervers ? C'est vrai que dans les romans précédents , il y a aussi des morts violentes , et que notre époque est violente et souvent criminelle, mais ce développement de l'intrigue affaiblit quelque peu le roman qui jusque là, était étonnamment crédible, valable et cohérent.Mais Houellebeck croit par ailleurs qu'une vie humaine doit aller jusqu'à sa fin naturelle , que la mort fait partie intégrante de la vie et en quelque sorte la couronne de signification. Une mort violente ne devrait pas tomber sur un individu plutôt doux et sans prétention car il ya une sorte d'humilité dans son retrait du monde, qui se veut bouddhique mais reste malgré tout hyper célèbre, un de ces «  people «  abhorré … quel sort cruel que d'être le prochain inévitable Goncourt !

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Brussels, Belgium
Née à Bruxelles, mère résistante et sculpteur, père homme d’affaires, études à l ’Université libre de Bruxelles ( Philosophie et Lettres ; arts primitifs), puis à Harvard ( anthropologie), Rutgers New Brunswick, Duke University .N.C. USA ( littérature comparée, Masters et Doctorat.) Thèse publiée (Ph.D) sur Valéry et Mallarmé. Enseignement universitaire aux USA, en France (Aix en Provence) et au Liban (comme coopérant) ,littérature et philosophie , en français ou anglais. Mariée en premières noces à un avocat américain G.Robert Wills et puis à un peintre et publiciste Français, Jean- Pierre Rhein (décédé). La plupart des publications sous le nom de Wills.Vit à Bruxelles.