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mercredi 7 avril 2010

Alain Claude Sulzer, Leçons particulières, Chambon , 2010

Cet écrivain Suisse est très admiré dans les pays alémaniques et a gagné un double prix littéraire ( Médicis étranger et Hermann Hesse) pour son précédent roman «  Un garçon parfait « , qui parlait aussi de l'amour et de trahison ,mais ici Sulzer parle surtout du déchirement ressenti par tout émigrant qui quitte tout pour se refaire une vie dans un autre pays . Le héros des » Leçons » Léo, vient d'un pays de l'Est avant la chute du communisme,et le secret a présidé à son évasion ainsi que la peur( politique )d'être attrapé ou de voir sa famille persécutée at home qui l'étreint au lieu de la peur du sans papiers. Ce jeune homme est coupé en deux par le poids de la culpabilité car il n'a prévenu personne de sa fuite , et la Suisse où il atterrit lui est incompréhensible : où vont tous ces gens pressés, que se disent -ils entre eux ,comment s'orienter et ne pas se perdre ,et surtout comment paraitre autochtone et « non étranger » ? Toutes ces questions terribles se pressent dans sa tête tant qu'il ne comprend pas la langue ni la mentalité car la liberté lui est inconnue et il a peur tout le temps,le pauvre, avant de pouvoir souffler. Sulzer décrit cela admirablement par une sorte de polyphonie : les voix du souvenir ( sa grand mère ; au pays d'origine) se mêlent aux voix de son apprentissage en Suisse , notamment sa professeur d'allemand Martha et son fils , voix qui arrivent à révéler le moi intérieur souffrant de ce pèlerin des temps modernes .

Toute émigration est un pèlerinage inévitablement et tout émigrant est un prédateur tout aussi inévitablement , même si Leo a réussi pleinement son parcours au Canada et s'est fait une vie professionnelle remarquable ,car la question du bonheur est un luxe comme dans toute vie et le prix à payer pour l' évasion et la tentative d' une vie nouvelle est l'abandon total de ceux qui restent derriére,trop vieux ou trop traditionnels pour s'arracher .Cette souffrance intense des débuts et le courage requis rendent le personnage attachant . Le rassemblement familial si pratiqué et si généreux en Europe occidental pour le moment n'est qu'un leurre et prouve chaque jour combien les gens arrachés et ré-assemblés se vengent sur la société d'accueil . Ici léo arrivé au pinacle d'une carrière de dentiste réputé reste impénétrable ; par contre le moi d'apprentissage , qui montre les multiples traumatismes personnels et secondaires produisant des ressentiments et de la souffrance , rendent Léo parfaitement détestable La pauvre Martha qui s'ennuyait dans un mariage bourgeois a aimé la petit émigrant qui lui a ait un fils illégitime , l'a aimée à sa manière égoïste et l'a évidemment abandonnée en partant sans rien dire .Un vrai salaud .

Oui, c'était écrit comme on dit, et tout amour est un risque ,mais le récit lent et sobre, sans lyrisme aucun , rend l'histoire d'autant plus poignante et emblématique de cette mondialisation à visage humain. Elle est dure, dure .

 

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Brussels, Belgium
Née à Bruxelles, mère résistante et sculpteur, père homme d’affaires, études à l ’Université libre de Bruxelles ( Philosophie et Lettres ; arts primitifs), puis à Harvard ( anthropologie), Rutgers New Brunswick, Duke University .N.C. USA ( littérature comparée, Masters et Doctorat.) Thèse publiée (Ph.D) sur Valéry et Mallarmé. Enseignement universitaire aux USA, en France (Aix en Provence) et au Liban (comme coopérant) ,littérature et philosophie , en français ou anglais. Mariée en premières noces à un avocat américain G.Robert Wills et puis à un peintre et publiciste Français, Jean- Pierre Rhein (décédé). La plupart des publications sous le nom de Wills.Vit à Bruxelles.