Ce grand écrivain nous donne ici un très beau livre nostalgique sur sa mère, sur l'exil familial de l'île Maurice et sur l'occupation et donc la faim et les privations terribles des français en quarante ; il a connu enfant à Nice la fin de la guerre, la pauvreté et puis la libération , et il en parle avec beaucoup d'émotion, un ton lyrique discret et poignant. Comment oublier le Nice désolé, nu et rocailleux ,sans port et sans vie qu'il décrit ici ainsi que le bruits des oiseaux dans les quelques jardins parisiens que ses héros fréquentent pour un auteur qui déteste autant les villes européennes ?
La petite Ethel ,l'héroïne de ce dernier livre , est la figure de sa mère enfant qui absorbe les souvenirs de conversations familiales sur sa vie coloniale à Maurice, avec une poésie délicate et une nostalgie lancinante ; déjà une obsession des tropiques transparait dans l'enfance. Cette petite amazone qui sauvera ses parents de la débacle, de la ruine familiale et de la faim en cette fin de guerre rappelle irrésistiblement le splendide roman posthume d'Irène Nemirovsky , » Suite Française » : même évocation douloureuse , impitoyable de l'exode, de la faim, du désespoir et même évocation de la fin abrupte et la ruine financière complète de la vie d'avant guerre avec son luxe, sa joie de vivre et les fastes de ces classes aisées européennes . Ce monde a disparu et la chronique en est terrible, préfigurant la vie d'exil et de recherches incessantes, d'exploration d'un monde meilleur et exotique auquel s'est livré cet enfant des ïles : Le Mexique, les Caraïbes, le Japon, la Corée et plein d'autres qui ont tous été des havres pour ce poète romancier.
La figure du Père magnifiquement peinte dans « L'Africain » et son meilleur livre, « Le Désert », sont centrés aussi sur la recherche des origines , l'ensauvagement intérieur apporté par le voyage dans ces contrées superbes, où les hommes bleus du sud marocain par ex.conservent des légendes et traditions qui les ancrent à la terre dont la beauté des paysages donnent une écriture poétique inouîe, unique dans la littérature française contemporaine. »
La Ritournelle de la faim » est moins belle que « le Desert « , mais plus touchante, plus personnelle dans son récit poignant de la ruine physique et psychologique du père d'Ethel , pour cette fille courageuse et sans crainte contrainte à 19 ans à l'exil, càd à fuir cette Europe dévastée par la guerre pour se refaire une vie au Canada . Un nouveau départ, mais un passé Proustien qui est pieusement conservé comme toujours chez Le Clézio qui se nourrit du monde et de ses merveilles mais reste profondément français : l'explorateur solitaire n'oubliant jamais que la recherche de son identité et de ses racines fondent son être.