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mercredi 24 juin 2009

Milan Kundera, Une rencontre, Gallimard, 2009


Ceci est un recueil intéressant mais inégal de souvenirs de jeunesse à Prague, de rencontres d'artistes vivants occidentaux ou d'intellectuels martiniquais influencés par André Breton par ex, et puis d'essais littéraires sur des grandes figures d'Europe centrale telles que Janacek ou Broch .

L'essai sur Francis Bacon est remarquable : Kundera remarque que la comparaison faite constamment sur le désespoir entre Bacon et Beckett ( à la fureur de Bacon), est erronée car Bacon est en réalité un optimiste qui croit en la peinture, qu'il emploie encore tous les instruments de son art ( le pinceau et la toile), observation pointue, de même que Beckett écrit encore un théâtre d'auteur . Il est vrai que les peintres contemporains sont des vidéastes ou des publicistes du genre Warhol ; n'importe quelle exposition contemporaine le montre abondamment. Bacon pour Kundera est un grand triste, seul de son espèce, tourné vers le passé plutôt que vers le futur, ne se faisant aucune illusion sur l'histoire de la peinture et de la littérature .Tous deux vivent, avec Beckett ,la fin d'une civilisation .

Chez Bacon, la confrontation brutale ne se fait pas avec la société ou l'état, mais avec la matérialité du corps de l'homme.D'où ces corps sanglants, ces blessés animaux ou humains et ces visages brisés dans son œuvre. Bacon parle tout à fait sérieusement de la grande beauté de la viande chez les bouchers par exemple. ( il faut y penser, mais nous sommes en fait dégoutée par le sang ; pas lui.)

Bacon se réclame de l'histoire de l'art dans sa totalité, il descend au fond de Picasso qu'il admire beaucoup. Mais Picasso était ludique et euphorique tandis que chez Bacon, la main du peintre se pose d'un geste brutal sur un corps ou un visage ; « Il y a de l'effroi devant ce que nous sommes dans son art » comme il y a du viol cette manière de peindre le moi enfoui des sujets .Ce diamant caché, dit Kundera, cette « pépite d'or » qu'est le moi d'un visage. Très bien vu., essai remarquable.

E nsuite Kundera connait très bien la musique, il parle avec beaucoup de sensibilité de Xenakis , de Janacek évidemment, et de Varese, tous des compositeurs difficiles. Je pense qu'il joue d'un instrument lui-même, car il parle en connaisseur de la musique ; celle de Xenakis particulièrement, tellement étrange et dépourvue de sentimentalité, lui procura plaisir et soulagement au moment le plus noir de sa vie (l'occupation de la Tchécoslovaquie par les Russes). Il insère des morceaux de partitions dans son texte à la louange de Janacek, dont il trouve les opéra , déchirants. l'Europe centrale ,dont il est l'héritier , a voué un culte à l'opéra du 19e siècle qui est souvent tombé dans le kitch, dernier avatar du Romantisme, que notre auteur se garde d'admirer.Rien sur Wagner ici..

Ce recueil est toujours intelligent ,perspicace , nostalgique et si varié que c'est un plaisir de le lire .Quand Malaparte est évoqué, auteur complètement oublié de nos jours, c'est l'importance des morts , la présence armée, américaine , énorme ,rayonnante et invaincue dans cette Italie exsangue, qui nous dit que l'Europe nouvelle en sortira changée pour toujours : américanisée .


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Brussels, Belgium
Née à Bruxelles, mère résistante et sculpteur, père homme d’affaires, études à l ’Université libre de Bruxelles ( Philosophie et Lettres ; arts primitifs), puis à Harvard ( anthropologie), Rutgers New Brunswick, Duke University .N.C. USA ( littérature comparée, Masters et Doctorat.) Thèse publiée (Ph.D) sur Valéry et Mallarmé. Enseignement universitaire aux USA, en France (Aix en Provence) et au Liban (comme coopérant) ,littérature et philosophie , en français ou anglais. Mariée en premières noces à un avocat américain G.Robert Wills et puis à un peintre et publiciste Français, Jean- Pierre Rhein (décédé). La plupart des publications sous le nom de Wills.Vit à Bruxelles.