Courlande, de Jean Paul Kauffmann,2009.
Livre splendide d'un lyrisme étonnant sur un voyage dans une région perdue de l'Europe du Nord, la Lettonie, dont la côte sur la baltique fut anciennement un grand duché de Courlande, occupée par des barons germano-baltes qui descendaient des chevaliers teutoniques . Donc d' un grand passé militaire et médiéval, il reste aujourd'hui après la domination tsariste et puis sovietique, qui laissa derrière elle des vestiges militaires polluant, une série impressionnante de châteaux abandonnés dans de vastes jardins couverts d'arbres gigantesques.
L'auteur s'en va faire un reportage à la recherche d'un pays qui n'existe pas, d'habitants morts, de descendants de serfs révoltés lors de la révolution russe de 1905 qui ne parlent que letton et sont farouches et surtout de la légende qui baigne cette région de forets, de grèves désertes,de villages munis d'églises luthériennes et de musées vides de beaux objets.. Récit fascinant d'un esprit curieux et aventureux, qui rappelle la manière de voyager de Montaigne ou même Chateaubriand dans la beauté du style , les citations, l' émergence de souvenirs historiques et les conversations avec les personnages rencontrés sur la route tel un professeur allemand à la recherches de son père mort au champ de bataille de la terrible guerre de 40. Etrange pèlerinage dans ce pays de lumière étincelante en juin , où il n'y a pas de nuit , peuplé de fantômes qui surgissent d'un passé qui affleure ci ou là, au gré des récits sortis des livres de Keyserling par exemple,ou des recherches de personnages qui apparaissent et disparaissent aussitôt.
Kauffmann nous avait prévenu : la Courlande en tant que région définie n'existe pas, elle est un mystère et même en y habitant en hiver dans la neige et le vent, elle est insaisissable comme l'Ecosse ou les iles Féroé.Nous sommes en Europe mais la substance intérieure historique et stylistique n'y est pas, c'est le contraire de l'Italie . Oui, la Courlande est « méconnaissable « à ce visiteur pourtant si averti et si cultivé, qui est sensible à sa beauté austère et à son dénuement. Le pays est provincial, seul, et très pauvre et essayant de sauvegarder son passé glorieux .issu de barons germano baltes encore détestés aujourd'hui.
Pays de nullle part qui ne pouvait exister que dans un livre mémoriel et dans le miroitement de l'illusion ; le lecteur est envouté. Livre qui me rappelait constamment les » Mémoires d'Outretombe « dans son style narratif et ses évocations, et l'affleurement constant de l'âme de l'écrivain dans le texte.