Ce roman sur les Nazi triomphants est une merveille d'esprit et d'invention historique romanesque sur un sujet terrifiant et fait un contrepoids aux « Bienveillantes » de Jonathan Littell, qui fit un tabac en 2008 et fit mourir d'ennui quelques uns par son cynisme nihiliste.Le titre policier et rébarbatif de » HHhH » fait allusion au surnom donné à l'horrible Reinhard Heydrich, bras droit de Himmler et Boucher de Prague , que les Nazis appelaient ainsi par dérision : » Himmler's Hirn heisst Heydrich » ou » le cerveau de Himmler s'appelle Heydrich ».Peut-on imaginer la terreur que le sadisme de ce monstre , pire que Himmler, inspirait aux Nazis eux-mêmes, et l'humour sinistre qui en découlait ? Il faut se plonger dans l'atmosphère survoltée l' époque dans toute l'Europe pétrie d 'un effroi glacé devant les crimes de l'armée Hitlérienne pour le comprendre. Binet recrée tout cela avec un brio et une modestie rare.
Binet , un prof de littérature français fasciné par la Tchécoslovaquie , l'occupation et la résistance se concentre ici sur l'attentat raté perpétré à Prague contre Heydrich en 1942 précisément par le Résistance tchèque ( l'opération Anthropoïde ), et décide de le raconter à sa manière . Et cette manière est étonnante, moitié Montaigne, moitié chronique Stendhalienne avec des retours sur soi, des hypothèses personnelles, des réflexions sur le vérité historique et les libertés littéraires qui rendent le récit passionnant et bouleversant à la fois .On ne peut s'arrêter de lire ce récit haletant qui finit mal évidemment, et qui forme en même temps un moment héroïque de la guerre et des tragédies accumulées entre 1940 et 1943, moment où le front russe percera la première brèche dans le rouleau compresseur allemand . Quelle période terrible mais aussi stupéfiante de grandeur, d'abnégation et de réussite devant la mort dans cette pauvre Europe si honteuse aujourd'hui ; on est content et même fier de lire ce livre admirable , rappelant à tous ceux qui sont nés avant 1940 des souvenirs et images indélébiles, et qui vient à point nommé après l'écœurement issu de l'Opus de Littell.
L'anti- héros, Heydrich est un monstre froid et un cas pathologique ,mais un fascinant personnage historique par sa cruauté légendaire qu'Hitler lui-même admirait et avait nommé à la tête de la solution finale concernant les juifs d'Europe ; ce qui nous vaut des pages inouïes de brutalité animale dignes des massacres Mongols d'antan et explique aussi ce qui encore à ce jour, entache tout événement rappelant Israël, les Juifs ou quelque massacre y afférant : on ne s'en remettra jamais en Europe, c'est le péché absolu, la Tâche originelle.
On reste sidéré devant l'ampleur infernale de la Solution finale ( les camps d'extermination de Pologne ) ; Heydrich mourra avant de la voir exécutée dans son entièreté, mais les héros Tchèques de l'attentat raté ,sanglant, stupéfiant d'de Prague , de la vengeance atroce de la Gestapo sont à jamais inscrits dans nos mémoires.